Du scan à l’archivage : comment sécuriser toute la chaîne documentaire contre la fraude

La dématérialisation promet des processus plus rapides, plus traçables et plus vertueux. Si dans les faits, elle réduit certains abus traditionnels, elle ouvre aussi de nouveaux chemins aux fraudeurs. Le risque ne disparaît pas : il se déplace. Et c’est précisément ce qui explique, depuis deux ou trois ans, l’explosion des besoins autour de la vérification d’identité, du contrôle documentaire, de la traçabilité et de l’archivage à valeur probante. Désormais l’enjeu est de comprendre où se nichent les failles typiques d’un projet GED/démat, et de savoir comment bâtir des garde-fous concrets, sans transformer chaque dossier en parcours du combattant.

Sur un processus papier, la fraude se voyait souvent dans le document lui-même. Sur un processus digital, elle se cache plus volontiers “dans l’accès” et “dans le flux”. L’usurpation d’identité devient dès lors la clé passe-partout. Si l’attaquant se fait passer pour un client, un fournisseur, un étudiant ou un administré, il n’a plus besoin d’un faux “parfait”, il a juste besoin d’un dossier “accepté”. C’est là que les justificatifs falsifiés, la fraude au RIB, les dossiers montés avec des documents générés par l’IA ou les détournements de circuits de validation trouvent un terrain idéal. Car si la vitesse d’exécution augmente, les points de contrôle ne suivent pas toujours.

Capture et numérisation : le premier “sas” où tout peut basculer

Primo, la numérisation et la capture sont souvent considérées comme une simple étape d’entrée. En réalité, elles déterminent la qualité du contrôle. Si un faux document entre naturellement dans le système, avec une qualité d’image irréprochable et des métadonnées plausibles, il devient beaucoup plus difficile de le détecter a posteriori. 

Pour réduire ce risque, la réponse la plus efficace consiste à renforcer le contrôle dès l’entrée : détection de falsification basique, cohérence des champs, contrôle des formats, vérification documentaire et identité/KYC lorsque le cas d’usage l’exige. Car plus le contrôle est tardif, plus il coûte cher, plus il est complexe, et plus il a de chances d’échouer.

GED et indexation : quand la fraude se loge dans les métadonnées

Secundo, la GED a beau protéger les documents, mais la fraude ne passe pas toujours par une modification du fichier. Elle peut, en effet, se loger dans les métadonnées (mauvais tiers, mauvaise référence, mauvaise entité, mauvais statut..). Une facture authentique rattachée au mauvais fournisseur peut déclencher un paiement indu. Un justificatif valide réutilisé dans plusieurs dossiers peut passer si le système ne détecte pas les doublons. Un champ modifié au bon moment peut suffire à contourner un contrôle.

C’est aussi ici que se jouent des fraudes plus discrètes : modification d’un champ clé, substitution d’une pièce, doublons organisés, ou création de “jumeaux” documentaires pour contourner un contrôle. La réponse, côté solutions, passe par des droits plus fins sur les actions sensibles, des journaux d’audit exploitables, et des mécanismes de contrôle de cohérence sur les données structurées, pas seulement sur le PDF.

Workflows : le scénario classique du détournement de circuit

Tertio, dès qu’un processus devient digital, il devient paramétrable. Et donc “manipulable”. Le détournement le plus courant n’est pas toujours le piratage frontal. Cela peut être par exemple la modification d’un circuit de validation ou l’exploitation d’une exception (un changement de RIB “urgent”, une validation en mobilité, une délégation automatique pendant une absence, une approbation en un clic sur un portail, etc.). La fraude se glisse dans les interstices. 

La réponse concrète consiste à traiter certains événements comme sensibles par défaut : changement de coordonnées bancaires, création d’un nouveau tiers, modification d’un contrat, ajout d’un bénéficiaire, reprise d’un dossier rejeté… Sur ces événements, il convient de mettre en place un contrôle renforcé et traçable, même si le reste du flux reste fluide.

Signature électronique : preuve de consentement… ou accélérateur de fraude

Quarto, si la signature électronique apporte une preuve de consentement, elle ne garantit pas, à elle seule, l’identité réelle du signataire. Une signature peut même accélérer une fraude si l’identité a été mal vérifiée au départ, ou si l’authentification est trop faible pour un acte sensible. Le piège étant de confondre “signature” et “identification”.

La bonne approche consiste à ajuster le niveau de vérification à l’enjeu. Un document à faible risque peut suivre un parcours de validation rapide et fluide. En revanche, un engagement financier ou contractuel, un changement de coordonnées bancaires ou l’accès à une prestation sensible doit exiger un niveau d’identification plus robuste.

Portails et e-services : l’industrialisation du risque à grande échelle

Cinquo, les portails B2B/B2G et les e-services publics ont radicalement augmenté le volume d’échanges. Et quand ce volume augmente, une fraude qui “passait” occasionnellement peut devenir industrielle. Un fraudeur n’a, en effet, plus besoin de convaincre un agent au guichet. Il peut tester, itérer, déposer 100 dossiers, observer ce qui passe, puis optimiser. 

Dans ce contexte, le contrôle humain ne suffit plus. Il faut des contrôles automatisés à l’entrée, des alertes liées aux comportements anormaux, et une capacité à croiser les signaux faibles (réutilisation de pièces, incohérences d’identité, variations suspectes sur les mêmes justificatifs, ou dépôt massif depuis des schémas de connexion atypiques).

Traçabilité et horodatage probants : l’assurance-vie opérationnelle et juridique

D’autant qu’aujourd’hui quand un incident survient, plusieurs questions arrivent très vite : qui a fait quoi, quand, et comment ? Sans traces fiables, une organisation se retrouve à gérer des soupçons, des conflits internes, des litiges difficiles, et parfois une incapacité à démontrer sa bonne foi.

La traçabilité et l’horodatage probants sécurisent les étapes clés (qui a déposé la pièce, qui l’a consultée, qui l’a validée, qui a modifié quoi, à quel moment, depuis quel canal…) et permettent de reconstituer une chronologie solide, utile opérationnellement, mais aussi juridiquement.

Archivage à valeur probante : le filet de sécurité juridique

Quant à l’archivage, il est souvent perçu comme une obligation de conservation. Or, son intérêt est bien plus concret. Il permet, en effet, de protéger l’intégrité des documents, de figer les versions, de prouver l’antériorité et de sécuriser la non-altération.

En cas de contestation, d’audit ou de contentieux, l’archivage à valeur probante devient le socle de la preuve. Il évite également un risque fréquent : la modification a posteriori d’une pièce ou d’un dossier, volontaire ou non.

Mettre le KYC et la vérification documentaire au bon endroit

La tentation naturelle est de “rajouter des contrôles” après coup, quand les incidents ont déjà été détectés. Mais la démarche la plus efficace consiste à décider, dès la conception, quels sont les moments où l’organisation doit être certaine de l’identité de son interlocuteur et de l’authenticité d’une pièce. Typiquement, c’est au moment où un tiers entre dans le système, au moment où un droit est créé (compte, accès, bénéficiaire), et au moment où un flux financier ou contractuel est déclenché. C’est là que la vérification documentaire et le KYC prennent toute leur valeur. Bien intégrés, ils évitent d’alourdir l’ensemble du parcours, tout en sécurisant les points critiques.

Un marché qui se structure autour de la “chaîne de confiance”

La dématérialisation n’est donc plus uniquement un projet de productivité ou de conformité. Elle devient aussi un projet de confiance. Ce qui crée une opportunité très concrète : packager et proposer des offres “dématérialisation + anti-fraude”, où la capture, la GED, la signature et l’archivage sont pensés comme une chaîne cohérente. Tout en ajoutant au discours sur l’efficacité et l’automatisation, les notions de réduction de risque et de continuité opérationnelle.

La confiance devient la vraie fonctionnalité “premium”

Si la dématérialisation rend les organisations plus agiles et plus efficaces, elle accélère aussi la fraude si les garde-fous sont absents. Les projets qui tiennent dans la durée sont ceux qui partent du principe qu’un document numérique n’est jamais “vrai” par nature, il le devient par les contrôles à l’entrée, la traçabilité des actions, et la capacité à produire une preuve robuste quand c’est nécessaire. Et c’est précisément là que se joue, aujourd’hui, la redistribution du marché : autour des briques qui transforment un flux digital en flux de confiance.

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